MECA de Bordeaux : Promotion artistique de la ville ou Concurrence architecturale entre les villes ?

Aujourd’hui, on observe une véritable course aux monuments dans les cités, où chaque région souhaite marquer de  sa trace le paysage urbain, en commandant un édifice à un « Starchitecte ». On l’a vu avec Sou Foujimoto et son Arbre Blanc à Montpellier. Avec Tadao Ando en pleine rénovation de la Bourse du Commerce à Paris. Ou encore avec Jacob + MacFarlane et leur « Cube orange » aux docks de Lyon. Et dernièrement avec Bjarke Ingels de l’Agence BIG, qui s’est associé à l’Agence parisienne FREAKS à l’initiative du concours, sur le projet de la MECA de Bordeaux, il y a 10 ans de cela.

Comprendre la MECA à travers sa maquette

Actuellement, il semblerait que les Bordelais ne soient pas complètement « séduits » par la MECA. Éloignement du centre-ville, implantation dans le quartier des nightclubs, architecture froide et imposante, incompréhension quant au rôle du bâtiment, etc… On n’est loin des partis-pris choisis par les architectes et le Maître d’Ouvrage, la Région Nouvelle-Aquitaine. Pourtant, lorsque l’on change l’échelle, le projet pourrait s’inscrire parfaitement dans la vision de la ville de demain. Les passionnés d’architecture seront tentés de dire qu’il faut laisser une chance à la MECA de se développer dans le temps.

Impulser la transformation de la ville.

Que fallait-il faire de ces anciens entrepôts du Quai de Paludate ? On peut dire que la MECA est une réussite pour le quartier Belcier-Euratlantique, désormais en pleine mutation. À tel point que le cadrage architectural de la MECA, ce rectangle vide que dessine le bâtiment et qui devait cadrer la vue à la fois sur la ville et sur la Garonne, ne garde sa fonction que côté fleuve. Aux alentours, les promoteurs ont anticipé l’avenir de ce quartier en faisant fi du PLU en vigueur pour pouvoir exploiter la hauteur. Cela renvoie à la question de la densité de la ville. Nos campagnes ne nous pardonneront pas de nous être autant éparpiller sur le territoire. Construire en hauteur est donc un axe de développement nécessaire pour la ville de demain, et les architectes l’ont bien compris. Nous ne devrions plus nous étonner de voir « fleurir des tours », à l’image de la Résidence Hyperion à quelques pas de la MECA, un des premiers immeubles en ossature bois à très basse empreinte carbone, qui lui aussi impulse une nouvelle génération d’immeuble.

Appropriation du bâtiment.

Hall d'entrée de la MECA Jeux de réflexion entre l'intérieur et l'extérieur du bâtiment

Le projet a pour intention de restituer la ville à ses habitants. La jeune génération d’artistes s’est rapidement emparée de l’environnement de la MECA. La preuve en est sur les réseaux sociaux, où chacun performe avec en arrière-plan la sculpture de Bruno Maire, la « Demi-tête d’Hermès », le fameux 1% artistique qui, observé du bon point de vue, entretient un lien étroit avec le bâtiment. Ses gradins vous enjoignent à faire une pause sur ses marches et à redécouvrir visuellement la rive droite. Ses pentes douces libèrent la circulation. Sa boucle, liant les entités du FRAC, de l’OARA et de l’ALCA, vous happe en tant que passant et vous incite à emprunter son arche. Ses jeux de transparence et de miroirs vous invitent à épier l’intérieur des locaux. Il y a donc bien une relation qui s’installe instantanément entre le visiteur et les murs. Un concept déjà éprouvé, notamment dans la conception de l’Opéra d’Oslo réalisé par l’Agence Snøhetta. Où les pentes deviennent tour à tour voies de circulation, pistes cyclables, terrains de jeux, gradins et se confondent avec la surface des flots gelés en hiver. Une polyvalence qui permet à chacun de faire sa propre utilisation d’un lieu public.

Âge d’or du Béton.

On le sait, le béton a une forte empreinte carbone à la production et ne se recycle pas. Alors, pourquoi avoir choisi ce matériau, à l’heure où les préoccupations environnementales occupent le devant de la scène ? Sans aucun doute pour son coût et les performances qu’il offre. Le parti-pris visuel a été de renvoyer la façade de la MECA à la Ville de Pierre. Un choix minéral évident pour nos architectes, la tendance étant aux bâtiments qui usent de la sensation « poids » du béton pour exprimer la légèreté des formes et la délicatesse des lignes. C’est là que l’on identifie le talent de nos architectes soucieux de donner à vivre l’osmose entre le corps et l’espace. Ils mettent l’architecture au service de l’expression d’un concept simple, comme à travers « la boucle » dynamique que forme la MECA, en usant des dernières technologies de construction. Mais ne pouvons-nous pas nous demander si celle-ci, à peine inaugurée (en juin 2019), ne serait-elle pas déjà « obsolète » ? En effet, preuve en est que la MECA ne s’inscrit pas dans la nouvelle RE2020, puisqu’elle ne s’autoalimente pas en énergie. Elle n’a pas non plus obtenu le label BBC (Bâtiment Basse Consommation), mais le projet peut se targuer d’avoir été ajusté au fur et à mesure de son développement, pour atteindre une très bonne isolation des locaux et un raccord au réseau de chauffage urbain entre autre.

La terrasse de la MECA

La MECA, par sa forme architecturale, en aura surpris plus d’un. « L’Arc de Triomphe » bordelais, après le pont Chaban Delmas, après la Cité du Vin, viendra-t-il assoir la position hégémonique de la ville de Bordeaux inscrite au Patrimoine mondiale de L’UNESCO ? Peu probable en tout cas qu’il vienne clore cette frénésie constructive qui s’empare de la « ville aux grues » avec les nombreux projets qui arrivent, comme la transformation du Quai des Queyries, orchestrée par l’architecte Winy Maas. Alors projetez-vous dans 10 ans, et visualisez la MECA comme un véritable lieu de rassemblement à l’ombre des immeubles alentour, comme une bulle de respiration donnant à admirer notre Garonne. Imaginez la promenade des quais prolongée et terminée, arborée de végétation. Songez aux citadins s’appropriant les lieux comme ils se sont approprié les Quais des Marques. Pour sûr, les souhaits de la Région de faire rayonner l’art et la culture à l’échelle de la France et du monde, pourraient bien être exaucés.

 

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